Vous avez peut-être déjà entendu un professeur demander d’engager mula bandha durant les expirations en cours de yoga ? Et, peut-être, avez-vous associé cela à l’action mécanique visant à muscler le périné ? Même si c’est effectivement une conséquence de son engagement, mula bandha est bien plus qu’une action mécanique sur le corps physique.
Rappelons ici brièvement que les postures (ou asanas en sanskrit) sont une petite partie de la voie du Yoga qui vise l’union du corps et de l’esprit, tout comme celle de l’individu à l’Univers. Les postures activent notamment la circulation sanguine et préparent le corps aux assises prolongées lors des pranayamas et des méditations. Tout en rendant le corps physique plus fort et plus souple, les asanas purifient aussi les canaux énergétiques du corps subtil, appelés nadis.
C’est dans ce corps subtil, énergétique, que les bandhas jouent leur rôle principal. Ce sont des verrous utilisés par les hatha-yogis pour diriger l’énergie dans le corps. Ils agissent particulièrement dans la colonne vertébrale sur le processus de fixation et d’éveil d’énergie. Dans la tradition yogique, la conscience individuelle est enroulée dans son ego et dort à la base de la colonne vertébrale. Le yoga vise à réveiller cette conscience endormie afin qu’elle monte jusqu’au sommet du crâne pour s'unir à la pure conscience universelle; alors l'état d'union et d'éveil survient. Les bandhas vont à la fois diriger la conscience-énergie dans cette ascension, tout en protégeant l’organisme lors des rétentions du souffle pratiquées en pranayama.
Les bandhas contribuent aussi à la stabilité de la concentration lors des exercices avancés de pranayama. Les textes anciens du yoga mentionnent trois principaux bandhas : mula bandha, jalandhara bandha et uddiyana bandha.
Mula Bandha
Il est utile d’aborder Mula Bandha dès le début de la pratique. En plus de renforcer le plancher pelvien et d’éviter les ptoses, il permet de conserver l’énergie dans le corps et il est le point de départ de la montée de la conscience énergie le long de la colonne.Sa pratique initiale consiste simplement, durant toute l’expiration, à resserrer doucement les sphincters des zones anales et urinaires, engageant alors doucement le périné. Il est important de mobiliser la zone sans la crisper, en recherchant un mouvement fluide. Vous pouvez commencer par vous exercer en position assise avant de l’appliquer aux postures debout puis à l’ensemble de votre pratique de yoga.Pour les plus avancés, Mula bandha est indispensable aux exercices de pranayama avec des rétentions à poumons pleins (kumbhaka). Il se relâche tranquillement durant la suspension du souffle qui suit l’expiration.L’exercice qui suit permet d’intégrer la notion de desha (concentration) à mula bandha :
Pratiquer quelques respirations fluides dans une assise confortable, dos droit
Inspirer lentement par les deux narines en imaginant le mouvement du souffle depuis le sommet du crâne jusqu’au périné
A la fin de l’inspiration confortable, retenez quelques instants votre respiration en plaçant mula bandha et toute votre attention dans la zone
Expirer en conservant mula bandha et en visualisant le trajet du souffle depuis le bassin jusqu’au sommet du crâne
A la fin de l’expiration, retenez quelques instants votre respiration tout en relâchant mula bandha
Continuer l’exercice 5 à 10 minutes en restant dans une amplitude confortable. Si une fatigue apparaît, allongez vous quelques instants en Savasana et réessayez plus tard, avec, cette fois, plus de douceur et de respect de vos capacités du moment
Terminer l’exercice par une méditation
Jalandhara Bandha
Il est le verrou de la gorge, celui qui dissipe la vieillesse dans les textes anciens de l’Inde. En régulant le flux d’énergie vers la tête, il prévient les migraines, les vertiges, certaines affections des yeux, de la gorge et des oreilles. En comprimant le nerf vague, il calme le cœur et diminue la pression dans l’oreille interne. Il est cependant déconseillé pour les personnes ayant des problèmes de fonctionnement de la thyroïde.Jalandhara bandha permet l’étirement du rachis cervical dans le corps physique et la montée de la conscience-énergie dans le corps subtil en donnant de l’espace à la partie postérieure du cou où se trouve la Sushumna, canal énergétique principal .Il s’utilise surtout en pranayama lors des rétentions du souffle à poumons pleins, conjointement avec mula bandha. Il est même indispensable si les suspensions du souffle sont prolongées plus de 10 secondes.En pratique : à la fin d’une inspiration, bloquer le souffle et avaler la salive; à la fin du mouvement de déglutition, les muscles de la gorge sont contractés d’une façon particulière; les bloquer dans cette position, puis placer le menton dans le sillon situé entre les clavicules. Les muscles du cou sont contractés durant toute la durée du bandha et de la suspension. Impossible d’inspirer ou d’expirer avec jalandhara bandha, le souffle est alors scellé dans la poitrine. Relâcher tranquillement jalandhara bandha lors de l’expiration.Le pranayama samavritti se prête bien à la mise en place de ce verrou :
Pratiquer quelques respirations fluides dans une assise confortable, dos droit
Inspirer lentement par les deux narines en comptant jusqu’à 4
A la fin de l’inspiration, placer mula bandha et jalandhara bandha pour une rétention sur 2 temps
Expirer en conservant seulement mula bandha sur 4 temps
A la fin de l’expiration, retenez 2 temps votre souffle tout en relâchant mula bandha
Continuer l’exercice 5 à 10 minutes. Si c'est ok pour vous, vous pouvez passer sur un rythme 6-3-6-3 voire 8-4-8-4.
Terminer l’exercice par une méditation
Uddiyana bandha
Il est le verrou abdominal qui permet de canaliser l’énergie du buste dans la Sushumna, le nadi principal du corps subtil. Son action vise également à maintenir une bonne santé de toute notre sphère digestive. Il est important de le pratiquer à jeun et il est contre-indiqué pour les femmes enceintes.Uddiyana bandha est une traction interne des muscles abdominaux.Pratique initiale : une variante plus simple de ce bandha consiste à respirer avec une sangle abdominale contrôlée, c'est-à-dire en engageant légèrement les muscles du bas ventre à l’inspiration et en contractant les abdominaux en début d’expiration. Cette pratique peut être effectuée lors des asanas et des pranayamas.Pratique d’Uddiyana bandha : Ce verrou se met en place durant la rétention à vide des poumons. Tenez-vous debout, pliez légèrement les genoux, mains sur les cuisses et bras tendus. Le menton est vers la gorge. Faites une ou deux respirations là. Puis expirer doucement et retenez votre souffle. Durant la rétention, placer mula bandha, écarter les basses côtes, reculer le nombril vers la colonne, monter le diaphragme vers le haut en imitant une inspiration et sentez les viscères tirés vers le haut et vers la colonne. Maintenez la rétention tant qu’elle est confortable.Puis, relâchez le bandha tranquillement avant de reprendre une inspiration. Vous pouvez répéter l'exercice 3 à 5 fois avant de prendre un temps pour respirer calmement en posture debout.
Il est possible d’associer les trois bandhas dans Maha bandha, le grand verrou, qui permet d’acquérir la maîtrise du souffle. Installez vous en ½ pont, sur le dos, pieds au sol et bras le long du corps.
Expirer dans la posture
Inspirer : lever le bassin et passer les bras tendus derrière la tête, le menton reste rentré
Rétention souffle poumons pleins : engager mula bandha et jalandhara bandha durant 4 secondes
Expirer : conserver la posture immobile en engageant davantage le périné et le ventre
Rétention souffle poumons vides : reposer le dos au sol et pratiquer uddiyana bandha. Mula bandha est toujours actif. Jalandhara bandha s'est relâché de lui-même durant l’expiration
Inspirer : relâcher l’abdomen
Expirer : ramener les bras le long du corps
Reprendre l’exercice
Il est important de pratiquer les exercices de pranayama dans le respect de vos capacités du moment, avec modestie, afin de protéger votre corps. Progresser ce n’est pas accumuler toujours plus de techniques ou augmenter indéfiniment sa capacité respiratoire, mais bel et bien affiner ses sensations, l'écoute de soi, diminuer l'illusion de l'ego. La pratique juste est celle qui permet d’avancer sur le chemin du Yoga avec douceur et bienveillance.
A vos tapis les yogis !